Des Serprinois dans la tourmente de la guerre

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> Louis DELOZANNE
> Paul FLEURY
> Gaston HEDOIN
> René RETAUX

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Louis DELOZANNE

Collection privée Annick Delozanne et Paul Lasserre – Pathé Gaumont – Editions des Amis du Vieux Crugny – Crayonnés de Louis deLozanne

Louis Delozanne, Serprinois d’origine est un soldat, quasi-anonyme parmi tant d’autres, embarqué dans la grande guerre, mais c’est aussi et surtout un dessinateur hors-pair…

INFIRMIER DE L’HORREUR
Originaire du Village de Serzy-et-Prin à côté de Reims, le jeune Louis Delozanne débute la guerre comme un infirmier au sein du 106ème régiment d’artillerie.
Envoyé sur les pires théâtres d’opération, il emporte toujours avec lui des petits calepins au papier de mauvaise qualité. D’abord en noir et blanc, puis en couleur grâce à des crayons trouvés sur le front, il dessine son quotidien de soldat. En tout, une dizaine de carnets et des centaines de dessins.

LE DESSIN COMME EXUTOIRE
Paysages et nature bouleversés, marqués par l’empreinte de la guerre, scène de vie quotidienne dans les tranchées. Comme un exutoire, Louis Delozanne ne cesse de dessiner…
Verdun, Bar-le-Duc, les Eparges… Au gré des déplacements de son régiment, pendant quatre ans il construit son oeuvre, emprunte de pudeur. Lors des rares moments d’accalmie, il retranscrit ces tranches de vie dans cette campagne marnaise qu’il connaît si bien. La tonte des mouton, un lavoir ou une baignade entre soldats…
Des scènes simples, loin de la guerre et de son chaos.

Douze jours avant la fin du conflit, le 30 octobre 1918, Louis Delozanne est tué à Saint-Germer de Fly, dans l’Oise, laissant ses carnets orphelins…
Son talent de dessinateur ne sera jamais reconnu.

Histoires 14-18 : Louis Delozanne, le dessinateur du front. Sources archives – Collection Annick Delozanne et Paul Lasserre – Pathé Gaumont – Editions des Amis du Vieux Crugny – France 3 – M. Guillerot

>>> Si vous voulez regarder la vidéo sur le site de France Télévision cliquez ici.

Paul FLEURY

Né en 1883 à Saint-Gilles, Paul FLEURY est ouvrier agricole au début de la Seconde Guerre mondiale.

Trop âgé pour être mobilisé, il fuit Serzy et Prin au moment de l’arrivée des troupes allemandes.
Pendant l’exode de juin 1940, la plus grande partie des habitants du village est évacuée vers la région parisienne grâce à des camions de l’entreprise SAINLOT, propriétaire de la minoterie.

Paul FLEURY est tué lors d’un bombardement aérien à Nogent-Le-Rotrou, à l’ouest de Paris, le 13 juin 1940.

Gaston HEDOIN

Gaston HEDOIN est né à Serzy le 26 juin 1914.
Il travaille comme cultivateur aux côtés de ses parents et se marie quelque temps avant le début de la Seconde Guerre mondiale.
Sa fille Monique naît en mars 1939, il est appelé sous les drapeaux en septembre …
Mobilisé dans un régiment d’infanterie de forteresse, unité militaire française spécialisée dans la défense des fortifications de la ligne MAGINOT, il est fait prisonnier en même temps que la plupart des combattants de cette ligne, en juin 1940.

La ligne Maginot Nord-Est était une ligne française de fortifications de défense construite dans les années 30 de la frontière suisse à la Manche, constituée par un ensemble continu de blockhaus, de tourelles de tir, de positions protégées d’infanterie, de logements abrités etc. 2
Malheureusement, des obstacles diplomatiques avec la Belgique amenèrent le gouvernement français à suspendre les travaux le long de la frontière belge, de Longwy à la mer. Conséquence prévisible, en mai-juin 1940, l’invasion allemande se fit par la Belgique, en contournant la ligne Maginot qui s’est ainsi trouvée prise à revers.

Gaston Hédoin est d’abord incarcéré dans les installations désertes de la ligne SIEGFRIED, équivalent allemand de la ligne Maginot française, avant d’être, comme les autres prisonniers, acheminé de camp en camp près des lieux de travail.

A sa prise de pouvoir en 1933, Hitler s’était empressé de faire remettre en état la ligne Siegfried, ligne de défense créée durant la première guerre mondiale en 1916-1917 et construite elle aussi de la Suisse jusqu’à la frontière hollandaise. Cette ligne rénovée servit d’abord de casernements pour l’armée allemande, puis fut vidée de ses troupes lors de l’invasion de la France.

Il finit la guerre dans un camp de prisonniers satellite de l’énorme camp de ALLENTSTEIG en Autriche.

Ce camp fut aménagé par les nazis en 1938 dans le nord de l’Autriche, non loin de la frontière polonaise actuelle et mesurait à l’époque 160 km². Il servit d’abord à l’armée allemande de centre d’entraînement, puis, comme la ligne Siegfried, à héberger les prisonniers qui travaillaient, et cela jusqu’à l’extrême fin 1944.

Libéré, mais comme pour beaucoup, trop tard, Gaston HEDOIN meurt de pneumonie le 27 novembre 1944, à l’hôpital de Allentsteig.
Il est enterré deux jours plus tard au cimetière de Edelbach.
Son corps sera ramené en France quatre ans plus tard à la demande de ses parents.
Une cérémonie aura lieu en février 1949 avant son inhumation au cimetière de Serzy

René RETAUX

Ouvrier-boulanger habitant à Serzy et Prin, RENÉ RETAUX est réfractaire au STO (Service du Travail Obligatoire) et passe à la clandestinité en juin 1943. En avril 1944, il s’engage dans la Résistance et rejoint les FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) au maquis de Montmort-Lucy. Il sert d’agent de liaison sous le nom de René de Denis.
Arrêté le 2 août 1944 à Châlons-sur-Marne au cours d’une mission de sabotage, il est déporté comme résistant le 19 août au camp de Natzweiler-Struthof et transféré début septembre à Dachau.
Affecté plus tard au camp de Dautmergen, il y décède le 6 décembre 1944, lieu et date retenus par le Journal Officiel du 14 décembre 1997.

Le nom de RENÉ RETAUX figure sur le monument aux morts de Serzy et Prin.
RENÉ RETAUX est Combattant volontaire de la Résistance, mention DIR (Déporté et Interné de la Résistance)

Le funeste parcours du déporté René RETAUX

02 août 1944
Arrestation à Châlons sur Marne
19 août
Départ du convoi de Châlons sur Marne vers le camp de Natzweiler-Struthof
04 septembre
Transfert au camp de Dachau
06 septembre
Transfert au camp de Ottobrunn (camp annexe de Dachau)
19 septembre
Transfert au camp de Schörzingen (camp annexe de Natzweiler-Struthof)
02 novembre
Départ pour le camp de Dautmergen (camp annexe de Natzweiler-Struthof)
06 décembre 1944
Décès du déporté René Retaux à 6h30 au camp de Dautmergen

Dessin d’Henri GAYOT, détenu NN (Nacht und Nebel)

CAMP DE NATZWEILER-STRUTHOF

C’est le seul camp de concentration établi sur le territoire de l’Alsace annexée en 1940 par l’Allemagne nazie. Ouvert en 1941, c’est un lieu de travail au profit de l’industrie de guerre nazie.
A partir de 1943, ce camp est désigné pour recevoir tous les prisonniers Nacht und Nebel – Nuit et brouillard – masculins d’Europe de l’Ouest. Ces détenus, dont beaucoup de résistants, sont destinés à disparaître sans laisser de traces.

52 000 personnes originaires de toute l’Europe ont été déportées à NATZWEILER-
STRUTHOF, environ 22 000 y ont péri.

Les détenus du camp sont principalement affectés à la carrière d’extraction de pierres et de graviers (extraction à la main et portage des pierres à la brouette). Ils travaillent par tranches de 12 h, de jour comme de nuit, et par tous les temps. La faim, la promiscuité, les maladies sont le terrible quotidien de ces hommes.
Des médecins nazis procèdent, au sein du camp, à des expériences médicales.

La plupart des détenus meurent d’épuisement, conséquence d’un travail harassant, des sévices infligés, des privations de nourriture, des conditions climatiques difficiles, ou exécutés par balle par les SS.
Tous sont incinérés dans le four crématoire du camp.

Fiche d’indentification à l’arrivée de Natzweiler


René Retaux y arrive le 19 août 1944, soit 17 jours après son arrestation à Châlons sur Marne.
Le 4 septembre, il est transféré au camp de Dachau.

CAMP DE DACHAU

Dachau est le symbole des crimes contre l’humanité de l’univers concentrationnaire, au même titre que le camp d’extermination d’Auschwitz rappelle le génocide du peuple juif.
Situé au nord-ouest de Munich, c’est l’un des camps les plus grands et les plus ramifiés construit en Allemagne, qui a servi de modèle aux 1650 camps ultérieurs.
Ouvert en 1933, juste un mois après l’arrivée d’Hitler au pouvoir, il est resté en service jusqu’à l’arrivée des soldats américains en 1945.
41 000 détenus y moururent.


Un grand nombre de prisonniers arrivent à Dachau. Après sélection, certains d’entre eux restent sur place alors que d’autres sont envoyés vers des camps de travail satellites afin d’y remplacer les détenus morts.

Deux jours après son arrivée à DACHAU, René Retaux est affecté pour 13 jours au camp d’ OTTOBRUNN, annexe de Dachau, puis pendant une quarantaine de jours au camp de SCHÖRZINGEN, annexe de Natzweiler, avant d’être transféré au redoutable camp de DAUTMERGEN le 2 novembre 1944 où il ne survivra qu’un mois.

La tristement célèbre devise du camp de Dachau “Arbeit macht frei”… “Le travail rend libre” !

CAMP DE DAUTMERGEN (annexe du camp de Natzweiler)

Le camp de Dautmergen est implanté en août 1944 dans la Souabe, région du sud-ouest de l’Allemagne.
Il fait partie des kommandos(*) du groupe Wüste (entreprise du désert), projet décidé en juin 1944 sous le nom de code « Opération Désert ».

Le camp est construit en plein champ marécageux, près d’une usine d’extraction et de distillation de schiste bitumineux équipée d’un haut fourneau, et destinée à produire du carburant pour l’aviation. Les hommes envoyés là pour faire tourner la machine de guerre nazie exploitent la roche dans des conditions inhumaines.

La situation des détenus est catastrophique. Les baraques sont sans plancher et sans fenêtres, avec juste de petites lucarnes dans le toit. Les déportés y dorment sur des planches en bois. A la création du camp, il n’y a encore aucun accès à l’eau courante. Le taux de mortalité, principalement dû au typhus, mais aussi à de nombreux assassinats et suicides, atteint jusqu’à 50 morts par jour.
Des prisonniers venus de toute l’Europe sont internés ici.

Sur les quelque 6000 détenus acheminés à Dautmergen en quelques mois, au moins 3500 périssent.

Plus tard, ce camp sera appelé l’usine de la mort, l’un des plus durs de l’entreprise Wüste.

René Retaux y est transféré le 2 novembre 1944 sous le matricule 36114.
Il y meurt le 6 décembre 1944, soit 4 mois après son arrestation, à l’âge de 23 ans, 6 mois et 27 jours.
Son corps sera jeté dans un charnier à proximité du camp
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(*)Kommando : Groupe de prisonniers de guerre dépendant d’un camp de détention allemand, détaché pour exécuter un travail déterminé à l’extérieur du camp (Unité de travail forcé).

Croquis d’un survivant de Dautmergen, Isaak ZOHAR
Plan officiel du camp
Croquis d’un autre survivant, Ludovic de la Chapelle.

LE CIMETIERE MILITAIRE DE SCHÖMBERG

Après la libération des camps, les forces militaires françaises découvrent un charnier à proximité de Dautmergen où sont retrouvés 1755 cadavres, dont 150 de détenus français.
Les corps sont déterrés et répertoriés. René RETAUX fait partie de cette liste.

En mémoire de ces victimes de la barbarie nazie, un cimetière militaire est créé à Schömberg, près de Dautmergen. Il est inauguré le 24 octobre 1946 par le Gouvernement Militaire français du Wurtemberg en présence du Général Koenig(*) et de Pierre Schneiter(**).

René RETAUX repose désormais dans ce cimetière.

Acte de décès du résistant René RETAUX

*Général KOENIG, 1898-1970
Militaire et homme politique français
Maréchal de France
Compagnon de la Libération


*Pierre SCHNEITER, 1905-1979
Sous-préfet de Reims à la libération et député MRP de la Marne (Mouvement Républicain Populaire)
Officier de la Légion d’Honneur
Médaillé de la Résistance
Maire de Reims de 1957 à 1959

Sur cette carte, on localise Schömberg, les camps de Natzweiler-Struthof, Dautmergen et Schörzingen.
Médaille de l’Ordre de la Libération délivrée à titre posthume à René RETAUX
Publication dans le Journal Officiel du 31 octobre 1953

Pour en savoir plus

QUE SONT LES ARCHIVES AROLSEN ?

(dont sont tirées un certain nombre d’informations de ce dossier)

Les Archives Arolsen sont le centre international de documentation sur les persécutions nazies et disposent du fonds d’archives le plus important au monde sur les victimes et les survivants du national-socialisme. Inscrit au Registre Mémoire du monde de l’UNESCO, le fonds détient des données sur près de 17,5 millions de personnes et possède des documents sur les différents groupes de victimes ciblés par le régime nazi, ce qui en fait aujourd’hui une importante source de connaissance pour notre société.

“Grâce à notre collection unique sur les personnes persécutées par les nazis, nous honorons la mémoire des victimes et nous nous engageons en même temps pour la vérité historique ainsi que pour le respect, la diversité et la démocratie dans la société d’aujourd’hui.”
MISSION DES ARCHIVES AROLSEN

LE CAS ERWIN DOLD

Les autorités allemandes, préoccupées par le nombre important de morts chaque jour à Dautmergen et donc par la perte de main-d’oeuvre, décident de remplacer le commandant en charge de l’administration du camp.
Le 7 mars 1945, un nouveau commandant en prend la direction : Erwin DOLD.
Ce jeune officier de 25 ans, auparavant pilote de chasse, est consterné par la situation catastrophique des détenus.
Il va alors s’opposer systématiquement à l’extermination par le travail pratiquée par les SS. Il réorganise le camp, assouplit les règles, veille à ce que les prisonniers reçoivent des vêtements et de la nourriture et améliore les conditions d’hygiène.

En avril 1945, lorsque la Gestapo lui ordonne d’organiser un peloton d’exécution contre 23 soviétiques, il refuse. Le camp est évacué le même mois et les quelques prisonniers restants sont libérés par l’armée française.
A la libération du camp, DOLD se livre volontairement aux Français et est interné avec 49 autres officiers accusés de crimes contre l’humanité(*).

Le 1er février 1947, à Rastatt, le verdict tombe : 21 peines de mort, 6 réclusions à perpétuité, 22 peines d’emprisonnement de plusieurs années et 1 acquittement, celui d’Erwin Dold, d’anciens prisonniers ayant témoigné en sa faveur.
Il sera le seul commandant d’un camp de concentration du IIIème Reich à bénéficier d’un acquittement, “pour preuve d’innocence”.

Erwin DOLD est mort le 11 septembre 2012.

(*) Crimes contre l’humanité : « Dans tout crime contre l’humanité un homme n’est plus l’égal d’un autre homme. Sont exterminés sans décision de justice et sans pouvoir se défendre des êtres humains, hommes, femmes, enfants, dont les corps sans sépultures doivent
disparaître par le gaz, le feu ou dans des fosses communes ».

Remerciements :
Ce travail n’aurait pu être réalisé sans l’aide précieuse de Jean-Pierre PITEUR, qui a habité à Serzy jusqu’à l’âge de 18 ans et que nous remercions infiniment.
Nous nous sommes également largement inspirées des recherches de Jacques TERRISSE, dont l’insatiable curiosité historique était connue de tous.